avril 2024

Faut-il réfléchir sur les rentes foncières et immobilières uniquement en termes de taxation ?

Alors que le gouvernement cherche des ressources fiscales pour faire face au dérapage des comptes publiques et qu’il vient de lancer une mission d’étude sur la « taxation des rentes »[1], les propriétaires fonciers et immobiliers se sentent visés au regard de leur plus-value potentielles.

En monnaie constante (c’est-à-dire déduction faite de l’inflation), les prix immobiliers ont augmenté de 77% en France et de 130% sur Paris depuis l’an 2000[2]. Cette hausse est particulièrement importante alors même que les investisseurs immobiliers sont déjà particulièrement taxés à chaque étape d’un projet : droits de mutation, taxation des plus-values, Impôt sur la fortune immobilière, taxation des loyers…

Une inflation des prix, reflet des dysfonctionnements des marchés

Or l’origine de cette croissance est peu étudiée alors même qu’elle nous semble représentative des dysfonctionnements actuels des marchés fonciers et immobiliers. Lorsque l’on se penche sur l’évolution des valeurs vénales, des différents postes de dépenses et de recettes des opérateurs immobiliers, du rythme de construction et des besoins statistiques en logement, on constate que la création des rentes foncières et immobilières est corrélée à une diminution du rythme de construction dans un contexte de forte demande. Cette diminution du rythme de construction s’explique par une inflation des coûts techniques des constructions mais aussi par une forte augmentation des prix du foncier constructible.

La responsabilité des politiques urbaines

Depuis de nombreuses années, le renforcement de la planification urbaine et des protections environnementales couplé à la faible « motivation » des élus locaux pour la construction a drastiquement diminué les possibilités de construction en extension urbaine mais aussi dans le diffus. Les propriétaires de fonciers constructibles sont progressivement en situation de monopole et en position de force vis-à-vis des opérateurs immobiliers. Ces rentes s’expliquent en partie par ce phénomène de rareté, voire de pénurie foncière.

En parallèle, les différentes réglementations et fiscalités ont renforcé la rigidité entre les différents segments immobiliers, ce qui limite la transformation et le changement d’usage des bâtiments. Alors qu’en Ile-de-France les bureaux vacants sont passés de 2,6 à 4,4 millions de m² entre 2019 et 2023, la reconversion de bureaux en logements n’a représenté que 97 000 m²/an sur les huit dernières années[3].

Les actuelles politiques urbaines et environnementales reposent sur des logiques internes qui alimentent durablement l’augmentation de la valeur des biens. Or cette augmentation participe très largement à la croissance des inégalités de richesses entre les ménages : entre ceux qui peuvent investir et ceux qui ne peuvent pas.

Limiter les inégalités

Les réflexions sur les rentes foncières et immobilières révèlent les effets de bord, voire les dysfonctionnements de nos politiques publiques et ne peuvent donc pas se limiter à des questions de taxation. Elles doivent s’interroger sur leurs origines et appréhender leurs incidences sociales. L’enjeu est de déterminer un cadre cohérent permettant de limiter les effets de bulle et de rentes foncières et immobilières, et ainsi participer à la limitation des inégalités de richesses.

[1] Le Monde du 3 avril 2024

[2] Données Inspection générale de l’environnement et du développement durable

[3] Chiffres Institut Paris Région

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